
La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) a été adoptée par l’Union européenne en novembre 2022. Elle a été publiée au Journal officiel de l’UE le 16 décembre 2022 et est entrée en vigueur le 5 janvier 2023.
La CSRD remplace une précédente directive, la NFRD (Non-Financial Reporting Directive), et impose des exigences de reporting plus strictes et étendues en matière de durabilité pour les entreprises de l’UE. Elle s’applique progressivement à partir de l’exercice 2024 pour les grandes entreprises, et étend progressivement son application jusqu’à inclure les PME cotées, avec des échéances spécifiques pour chaque catégorie d’entreprises.
Un durcissement vertueux
La montée en exigences de la CSRD vise à améliorer la transparence et la cohérence des informations que les entreprises publient sur leurs performances environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) autour de points clés singuliers.
Extension du champ d’application
La CSRD concerne non seulement les grandes entreprises cotées (plus de 250 salariés, 40 millions d’euros de chiffre d’affaires, ou 20 millions d’euros d’actifs), mais également certaines entreprises non cotées et les PME cotées. Les petites entreprises non cotées ne sont en revanche pas concernées directement, mais pourraient l’être indirectement en raison des exigences de traçabilité de leurs partenaires.
Normes de reporting
Les entreprises doivent maintenant suivre des normes de reporting ESG plus strictes (ESRS – European Sustainability Reporting Standards), couvrant des informations détaillées sur leur impact environnemental (comme les émissions de CO2), social (conditions de travail, droits de l’homme) et de gouvernance.
Vérification obligatoire
Contrairement aux anciennes directives, la CSRD impose une vérification externe des rapports de durabilité, pour garantir la fiabilité des informations publiées.
Objectifs de transparence et de comparabilité
La directive a pour but de rendre les rapports des entreprises comparables entre elles au sein de l’UE, afin que les investisseurs, les régulateurs et le public aient une vision claire des performances et risques ESG de chaque entreprise.
Oui mais non
Avec des "si" le monde serait plus joli.
Ou pas.
Mais donc.... Si le programme de Donald Trump devait se dérouler selon les intuitions et désirs du président réélu, ses positions sur la (dé)régulation environnementale pourraient-elles entrer en conflit avec la CSRD ?
La directive exige que les entreprises divulguent des informations détaillées sur leurs impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance. En contraste, Donald Trump prône régulièrement des mesures visant à réduire les obligations et les coûts pour les entreprises américaines en matière de conformité environnementale et de durabilité.
Climat et Environnement
Donald Trump a historiquement retiré les États-Unis d’accords multilatéraux sur le climat (comme l’Accord de Paris en 2017) et pourrait à nouveau adopter une approche similaire. Cela pourrait réduire l’incitation des entreprises américaines à adopter des pratiques durables, même si celles-ci font des affaires en Europe.
Dérégulation des exigences ESG
Le président réélu a exprimé des critiques envers les exigences ESG, les qualifiant parfois de surcharges inutiles pour les entreprises. En 2020, il a tenté de limiter l’influence des critères ESG dans les décisions d’investissement. Son second mandat pourrait se traduire par des politiques visant à empêcher les entreprises américaines de suivre des directives ESG internationales comme celles de l’UE.
Commerce et Conformité
Avec son retour à la Maison Blanche, des conflits commerciaux pourraient surgir si des entreprises américaines qui commercent avec l’Europe refusent de se conformer aux normes de durabilité de la CSRD. Des sanctions ou des frais additionnels pourraient être appliqués par l’UE aux entreprises qui ne respectent pas les normes ESG, créant ainsi des tensions entre les politiques américaines et européennes.
Inutile de crier au loup, mais la vigilance et l'anticipation vont vite s'inviter dans le débat.
Que font les entreprises européennes basées aux Etats-Unis ?
Souvent citée en exemple, l'entreprise Danone a commencé à mettre en place un reporting ESG en conformité avec les nouvelles exigences de la CSRD.
Implantée aux USA, l'entreprise intègre les normes locales du pays, sans compromettre ses obligations principales vis-à-vis des standards européens, plus exigeants.
Objectifs de réduction des émissions
Danone s’engage à réduire ses émissions de CO2 dans l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement, avec des objectifs concrets et des délais. Pour répondre à la CSRD, Danone doit fournir des informations précises sur ses émissions directes (Scope 1), indirectes (Scope 2) et dans sa chaîne de valeur (Scope 3), en utilisant des méthodes de mesure standardisées.
Eau et gestion des ressources
En tant que producteur de produits laitiers et d’eau en bouteille, Danone s’efforce de minimiser sa consommation d’eau et d’améliorer la gestion de ses ressources naturelles. La CSRD exige des détails sur l’impact environnemental de ces actions, ainsi que des objectifs d’amélioration.
Conditions de travail et bien-être des employés
Dans son rapport de durabilité, Danone doit détailler comment elle améliore les conditions de travail et assure le respect des droits des travailleurs dans tous les pays où elle opère, y compris ceux avec des normes de travail moins strictes.
Impact dans les communautés locales
Danone communique l’impact de ses activités sur les communautés locales, comme le soutien aux agriculteurs pour adopter des pratiques plus durables.
Pratiques éthiques
La CSRD exige des entreprises qu’elles révèlent leurs pratiques de gouvernance. Danone communique sur ses pratiques éthiques, comme la lutte contre la corruption et les mesures de transparence prises avec ses fournisseurs et partenaires.
Objectifs de durabilité intégrés dans la gouvernance
Les stratégies de durabilité doivent être intégrées aux processus décisionnels. Danone a mis en place un comité de durabilité pour s’assurer que ces questions sont examinées au plus haut niveau.
Vérification et audits externes
Danone fait auditer ses rapports ESG par un organisme externe pour assurer la précision et la conformité des informations fournies.
En tant qu'entreprise française - cotée -, Danone suit principalement les directives européennes en matière de réglementation, y compris les obligations environnementales, sociales et de gouvernance.
L'entreprise respecte certaines normes américaines - notamment les réglementations de la Securities and Exchange Commission (SEC) - qui imposent des règles de transparence aux entreprises cotées en bourse aux États-Unis.
Que vont faire les entreprises américaines basées en Europe ?
En 2022, la SEC a proposé de nouvelles règles de divulgation concernant les émissions de gaz à effet de serre et les risques climatiques, ce qui montrait une convergence partielle avec certaines normes européennes.
Malgré cela, plusieurs entreprises américaines basées en Europe ont montré des écarts dans leur conformité aux normes de l’UE, notamment en matière de transparence des pratiques ESG et de protection des données (réglementée par le RGPD en Europe).
Protection des données et RGPD
Meta (Facebook) et Google, par exemple, ont fait l’objet de plusieurs amendes en Europe pour non-respect du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD).
Meta a été sanctionnée pour le transfert de données d’utilisateurs européens vers les États-Unis, sans garanties suffisantes quant à la confidentialité de ces données.
Manque de Transparence ESG
Certaines entreprises américaines opérant en Europe n’ont pas fourni de rapport complet sur leurs pratiques ESG, en particulier celles qui ne sont pas cotées en bourse en Europe et qui, jusque récemment, échappaient aux obligations de la NFRD (l’ancienne directive sur les rapports non financiers). Avec la mise en place de la CSRD, elles ont à se mettre à jour pour éviter d’éventuels écarts futurs.
Rapports climatiques insuffisants
La nouvelle CSRD est plus stricte sur la transparence des émissions de carbone et des impacts climatiques. Par le passé, des géants comme ExxonMobil ont été mis à l'index pour leur manque de transparence sur leurs émissions globales.
Différences culturelles et de priorités
Les exigences européennes ne sont pas vues comme prioritaires pour certaines sociétés.
Cela s'observe parfois dans les secteurs technologique et pharmaceutique, où les standards européens de durabilité sont plus stricts que ceux pratiqués aux États-Unis.
La marche en crabe
Avec la CSRD et l’intensification des contrôles de l’UE, il est probable que les entreprises américaines basées en Europe devront faire davantage d’efforts pour aligner leurs pratiques sur les standards attendus, au risque de lourdes amendes ou de restrictions d’accès au marché européen.
Du moins, jusqu'au début de l'année prochaine...
Et ensuite ?
Pourraient-elles bénéficier de coupe-fil entre deux régulations aux rives semblant toujours plus s'éloigner ?
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