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Les 1000 visages du coaching... Un coach-mar ?



Il y a une vingtaine d'années, comme beaucoup d'entre vous, j'étais manager. Je dirigeais plusieurs centaines de collaborateurs et, à la faveur d'une prise de fonction par ci, d'un sujet autour de la gestion émotionnelle par là voire, d'un accompagnement au reclassement post plan de départ par ailleurs, des coachs déambulaient dans l'entreprise.

Nous nous disions bonjour. Bon.

Je me demandais bien ce que nous avions à gagner à faire travailler ces personnes dont le taux de facturation horaire me causait par moment des irritations épidermiques. Mais dans ma bulle de jugement sans grand fond, je faisais confiance à ma DRH qui obtenait de bons résultats de cette collaboration. Elle était psychologue clinicienne de formation et j'avais une totale confiance en elle.

Puis un jour, parce qu'il me fallut réfléchir à une suite à ma carrière, j'ai voulu bénéficier d'un coaching.

L'impact fut rapide et inattendu.

Un mot bien placé après une écoute qui en fut vraiment une... Et je décidai de stopper net la thèse de doctorat que j'avais entamée en parallèle de mon activité de dirigeant et m'inscrivis en école de coaching. 

Ce fut difficile.

Pas la formation, les cours, etc. J'étais encore chercheur et se planquer dans du savoir académique était la partie la plus simple.

Non, ce fut difficile de grandir en tant que personne.

Ce fut difficile d'évoluer en zone d'inconfort et d'aller vers soi.

Ce fut difficile d'aller de soi à l'autre pour devenir un "outil miroir à peu près lisse" dans lequel il puisse se regarder pour décider.

Je suis passé de borgne à myope.

Encourageant.

Il me reste encore de l'orthoptie émotionnelle à travailler.

Chouette. 



CE QUI MERITE VIGILANCE


De Socrate à Terence Fletcher*

La discipline telle qu'elle s'observe aujourd'hui est une somme de vecteurs aux origines variées et anciennes. Socrate est souvent cité pour sa méthode d'apprentissage par le questionnement. Admettons. Le lien entre son érudition, son parcours de vie et l'époque qui fut la sienne ne coule pas de source avec une pratique qui peut s'acquérir en 24 mois.

Et encore.

Plus près de nous, c'est dans le monde de l'art que ce qui ressemble le plus au coaching a émergé dans les années 60. Plus particulièrement dans le théâtre, le cinéma puis dans le monde du sport à l'aune des années 80. Pour celles et ceux qui ont lu "La formation de l'acteur" de Constantin Stanislavski, la maïeutique est vite complétée dans la pratique par de petites humiliations crescendo sous prétextes divers et variés.

*Terence Fletcher est le chef d'orchestre tyrannique du film Whiplash de Damien Chazelle.


Le cocher qui vous emmène sur la lune

Le terme coach viendrait de cocher, le conducteur qui vous emmène là où vous lui demander d'aller. Très bien.

Toute promesse de résultats rapides et miraculeux n'a donc pas lieu d'être dans le coaching professionnel.

Premier écueil.

La prescription du type "... Nous pensons qu'un coaching lui fera du bien, nous avons besoin que nos membres de Comex soient plus assertifs, qu'ils agissent en patron" met donc le coach en zone à risque.

S'engager à transformer l'autre est aussi dangereux qu'inadmissible. 


La loi de l'instrument

" J'imagine qu'il est tentant, si le seul outil dont vous disposez est un marteau, de tout considérer comme un clou", A.Maslow.

Second écueil.

La psychologisation des sujets, sans formation approfondie et continue, peut se révéler des plus risquée et participe à la juste critique du coaching dans sa tendance à traiter des problèmes complexes de manière simpliste.

Se mélangent, dans les formations de coaching qui fleurissent d'ailleurs un peu plus chaque année, de la psychologie, des approches comportementales, des approches uniquement axées sur des sociotypes voire, du paramédical. J'en oublie.

Pire encore par moment... L'effet Dunning-Kruger, biais cognitif fantastique modélisé dans les années 90 par David Dunning et Justin Kruger, qui traite de la croyance autoréalisatrice des personnes ayant peu de compétences objectives mais qui sont convaincues de l'inverse.


La "conformation" sociale

Le terme est sévère mais, à l'image de ce qui se passe dans les élevages, le coaching semble avoir percé parce qu'il pourrait être un moyen de conformer les individus à des normes comportementales spécifiques.

Troisième écueil s'il en est.

Faire fi de soi pour répondre, aux forceps, à des injonctions sociétales pourrait s'apparenter à une forme de contrôle social.

L'adoubement d'une profession ne saurait exister pour cela.



CE QUI MERITE INTERET


La bonne coupe de cheveux

La métaphore ne me concerne plus réellement. Pour celles et ceux qui côtoient les salons pourtant, elle peut vous parler. Avez-vous déjà "confié" votre tête à une coiffeuse par exemple ?

"...Je te fais confiance, coupe un peu plus court en fonction de ce que tu sens".

J'ai entendu cette phrase à maintes reprises.

Iel vous pose alors quelques questions et vous parlez, vous faites des liens, vous revenez en arrière, etc. Les ciseaux coupent, les brosses coiffent et l'artiste sent.

Voilà.

D'ailleurs, il vous arrive de décaler un rendez-vous si d'aventure la coiffeuse, pour fixer un genre, n'est pas disponible.

"Oui mais elle, elle me connait. Je ne confie ma tête qu'à Camille".

Pourtant Pauline et Serge sont eux-aussi titulaires du CAP et ont l'expérience en salon nécessaire à la pratique.

Un "bon" coach est, d'une certaine façon, un "bon coiffeur" qui vous laisse les ciseaux.


Ça va déjà mieux

Une de mes formatrices en coaching me disait souvent "... Le client dit tout au commencement ; tout est au commencement".

Créer les conditions d'accueil, d'alliance, de lien humain libère bien des nœuds.

Le coaching, contrairement à la thérapie, ne soigne pas. En revanche, il peut créer les conditions favorables à l'émergence de solutions.

Parfois, des séances en marchant dans la nature et juste pour cela, permettent d'obtenir de belles prises de hauteur.

Parfois, des séances avec des chevaux - l'équicoaching - apportent plus encore. C'est ainsi. 

"Rien qu'en venant ici, je me sens bien"... J'aurais sans doute du quantifier le nombre de fois où j'ai pu entendre cette phrase pour illustrer l'impact de l'environnement sur la mise en mouvement d'un individu.


Tous ensemble, tous ensemble !!

Le fameux travail du collectif en coaching. Ce collectif, constitué d'individus sélectionnés pour leurs résultats scolaires durant toutes leurs études ou presque et qui, subitement, sont une quasi fratrie autour d'objectifs communs pour leur entreprise. Magnifique. 

Pourquoi cela ne fonctionne-t-il que lorsque tout va bien ?

A votre avis ?

Quand vous aurez la réponse, les coachs prendront de longs congés.

D'ici là, stimuler la définition d'un projet fédérateur autour duquel s'entendre sans avoir à chanter "Tous ensemble, tous ensemble, hé ! ho !"... Oui, pour cela un coach peut être utile, tout comme peuvent l'être par ailleurs un formateur, un facilitateur, un philosophe ou encore un artiste.


La carpe, le requin et le dauphin*

Parce qu'une organisation mute au rythme de ses cycles et que ces derniers peuvent nous impacter émotionnellement, il est utile d'avoir des clés de lecture de ce qui se joue individuellement et collectivement. Les vagues de changement nous font vivre les logiques du deuil au sens des recherches d'Elisabeth Kübler-Ross**. Elle n'en fit pas une lecture prédictive mais une lecture. Et savoir lire les évènements ressentis est réconfortant.

Les conduites du changement gagnent à être épaulées par des coachs formés aux effets que ces deuils en entreprises engendrent sur les individus et les groupes et, dans l'absolu, par des coachs qui les ont eux-mêmes vécus dans une première partie de carrière.

La création de valeur ajoutée de cette profession se perçoit principalement dans ce type de rendez-vous au sein des organisations, quand les comportements en situation de stress font tomber les artifices utilisés pour les cacher.

* Cf "La stratégie du dauphin", Lynch & Kordis, 1998, les Editions de l'Homme. ** Cf "Leçons de vie" (trad. fr), Kübler Ross & Kessler, Rééditions 2013, JCLattes.



ET DONC 

Nous sommes des êtres humains, donc imparfaits et emplis de biais. Comment le coaching pourrait-il être vierge de cela alors qu'il ne traite que de lois du vivant ? 

Ce n'est pas tant la discipline qui semble contester aujourd'hui que les sécurités de mise en œuvre, à renforcer pour ne pas faire plus de mal que de bien.

A soi et aux autres, d'ailleurs.

Si la supervision est obligatoire pour les coachs professionnels, c'est bien parce que nous entrons tous dans des phénomènes de projection, de transfert, de contre-transfert et autres biais que nous tentons, avec le temps, de filtrer au gré des années de pratique.

Ce métier est un long chemin, le "bon coach" est une illusion d'optique.

Le "coach sécure" est davantage à chercher. Il a suivi une formation reconnue, est certifié par l'école - mais elle s'auto-certifie donc...-, par une fédération dont il est membre et possède un superviseur professionnel lui aussi.

C'est le minimum.

La professionnalisation et l'éthique sont les deux pieds sur lesquels la discipline grandit.

Tout ne sera pas réglé avec la protection d'un titre.



Le sujet est plus profond et pose une question systémique : qu'est-ce que le coaching vient compenser qui ne s'auto-régule plus dans les organisations ?

Répondons-y et la présence des coachs ici ou là s'estompera avec le temps...



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